L'histoire de la SARAP
SARAP : L'UN DES CONSTRUCTEURS ALSACIENS
Bugatti, Mathis, De Dietrich, voire Dangel comptent parmi les constructeurs régionaux unanimement reconnus. Mais qui se souvient de celui qui, surfant sur la vague déferlante hippie du flower power, s'est hissé l'espace d'une courte décennie du rang de simple artisan sans patente à celui de véritable constructeur automobile. L'histoire de la Société Alsacienne de Recherches et d'Applications des Plastiques est méconnue, mais n'est pas dénuée d'intérêt, loin s'en faut. Cette petite entreprise a produit deux voitures étonnantes destinées à la compétition, avant de se lancer dans la fabrication du fameux buggy BUFFALO, dont les originaux concepts de réalisation et de vente ont constitué une petite révolution dans l'automobile française.
LE PHENOMENE DUNE BUGGY
L'origine du phénomène buggy se retrouve sur les dunes californiennes au début des années soixante. A cette époque, quelques illuminés chevelus épris de liberté s'adonnent à des loisirs décalés ; déjantés devrait-on dire en l'occurrence. Modifiant d'antiques berlines américaines équipées des gros V8, ils s'amusent à franchir les dunes dans d'amples dérapages, contrôlés ou non, projetant dans leur sillage d'immenses gerbes verticales de sable chaud.
L'un d'eux, Bruce F. Meyers cherche à aller plus loin en créant un engin à la fois plus performant, plus maniable et surtout plus esthétique. Artiste et designer de talent, il est aussi un spécialiste de la fibre de verre stratifiée, technique qu'il utilise couramment dans la réalisation de bateaux. Il fabrique donc une élégante coque en polyester, sur laquelle il greffe les éléments mécaniques d'un vieux Combi VW dont l'architecture rudimentaire mais robuste convient parfaitement. Le tout premier « dune buggy » en fibre de verre est né.
Le dessin de son Meyers Manx, puisque c'est ainsi qu'il le nomme, est inspiré vaguement par la Jeep du débarquement, mais dont les lignes militaristes on été considérablement pacifiées. Dès sa première apparition en public, en mai 1964, le Manx séduit son entourage : chacun veut le même ! Bruce Meyers est pour ainsi dire sommé de se lancer dans une production industrielle.
Bientôt, devant l'immense succès de son concept, de nombreux plagiaires apparaissent aux Etats-Unis, fabriquant plusieurs dizaines de milliers de ces « dune buggy », comme on les appelle désormais. C'est à ce moment-là que le terme de « buggy » devient générique, désignant non pas une marque, mais une forme de carrosserie bien spécifique, à l'instar de « roadster », « coach » ou « sedan ». Il s'agit d'un cabriolet démuni de portes, à carrosserie en plastique, aux roues énormes et aux phares proéminents.
UN ARTISAN ALSACIEN TALENTUEUX
Quelques années plus tard, en 1968, un jeune passionné de technique, André Koenig, réalise dans une grange du village alsacien de Breitenbach, une voiture destinée à la pratique de la compétition. Son dessin est largement guidé par les références mancelles de l'époque que sont les Ferrari P4, Porsche 906 ou Matra 630.
Le bouche à oreille faisant son effet, plusieurs pilotes de renom…dont un certain Jean-Claude Andruet, se rendent à Breitenbach, incitant André Koenig à étudier une production à plus grande échelle de son prototype. Encouragé, il s'associe alors avec une équipe de copains, loue une ancienne usine textile à Colroy la Roche et crée la SOCIETE ALSACIENNE de RECHERCHES et d'APPLICATIONS des PLASTIQUES, autrement dit la SARAP.
Plusieurs « SARAP PROTO 681 » puis leur évolution « 691» sont mises en chantier, destinées à être vendues en kit et équipées selon les besoins et les moyens des acheteurs. Différentes motorisations peuvent prendre place dans la voiture, depuis le paisible Dauphine jusqu'au 6 cylindres PORSCHE en passant par le 1200 NSU. Le concept de commercialisation en kit n'est pourtant pas sans poser certains problèmes. Les clients, aux compétences mécaniques généralement limitées, ont du mal à achever le montage cohérent de véhicules aptes à l'homologation routière. Et alors que cette voiture est destinée justement à la compétition, un seul acheteur parvient à engager sa SARAP Proto en course de côte, sans toutefois obtenir de résultats tangibles.
Un jeune publiciste talentueux et performant pilote, Roland Beilé, se propose alors de soutenir la petite équipe de Colroy en se chargeant de la promotion des bolides. Plusieurs opérations de présentation sont organisées, aboutissant à la vente de dix-sept exemplaires de la SARAP Proto , toutes versions confondues
Mais conscient des limites de ce proto en raison, paradoxalement, de sa trop grande sophistication, André Koenig a déjà entamé la construction d'une nouvelle voiture, plus polyvalente et plus civilisée, la SARAP 701. D'une allure très différente, cette superbe berlinette gomme les handicaps constatés sur le modèle précédent : complexité de montage, porte-à-faux avant, accessibilité...…
Pour financer ce nouveau projet, la petite société fabrique parallèlement en sous-traitance nombre d'éléments en fibre de verre tels que cabines téléphoniques, baignoires, carters d'engins agricoles…. et coques de buggy.
En effet, c'est là, en 1969, que l'histoire de la société SARAP rejoint celle du lointain cousin d'Amérique Bruce F.Meyers. Afin de financer son coûteux séjour à Strasbourg, un étudiant québecquois du nom de Blanchard envisage de commercialiser des buggies de ce côté-ci de l'Atlantique. Il importe une copie canadienne du Manx, et passe commande auprès de la société SARAP de plusieurs coques…. qu'il ne parviendra jamais à financer ! L'une de ces carrosseries reste entreposée en gage dans un recoin poussiéreux de l'usine en attendant un hypothétique paiement.
Roland Beilé, de retour d'un séjour aux USA, a quant à lui pris conscience de l'ampleur du phénomène dune-buggy outre–Atlantique, et entrevoit une dynamique semblable en Europe. Il dit à André Koenig :
" voilà ce qu'il faut faire : tu prends le châssis de la 701 et tu y mets la coque du buggy. Tu les fabriques, et moi je les vends."
Ce sera chose faite.
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